Citation

"Ca y est, c'est choisi : Ce sera Psychiatrie !"
Je commence ce blog pour raconter mes aventures hospitalières
pendant les quatre années de ce parcours d'interne
jusqu'au diplôme de médecin psychiatre...
























lundi 29 décembre 2014

Un Mort pour Noël

Ce lundi, c'est un peu particulier. Nous sommes entre Noël et nouvel an, le service fonctionne au ralenti. Beaucoup de patients sont rentrés dans leurs familles pour les fêtes, et beaucoup de médecins font le pont. Je dois récupérer pendant quelques jours les patients de ma collègue, et ceux du Dr Bidule. J'arrive le matin en salle des infirmières."On t'a dit ??" Euh, on m'a dit quoi ? "Mr Machin est décédé". J'ai les jambes coupées, j'ai cette impression de chaud-froid que je déteste. Je m'assieds. C'est arrivé comment ?

Mr machin était un de mes patients. Il m'avait donné du fil à retordre. La trentaine, père d'un petit garçon de 4 ans. Il était arrivé avec une lettre de son médecin traitant : Il voulait tenter une énième fois de se sevrer de sa consommation d'alcool. Il avait une maladie articulaire rare, la synovite villonodulaire, qui avait flingué sa hanche si bien qu'il boitait et ne pouvait plus courir. Dans cet état, il ne retrouvait pas de travail car ses compétences étaient manuelles, il n'avait pas de diplômes. Il aurait fallu l'opérer pour lui mettre une prothèse de hanche, mais voilà, à cause de la picole et de ses effets sur son organisme, l'anesthésiste avait refusé de l'endormir. Trop risqué. Et pas d'anesthésie, pas d'opération. L'enjeu de ce sevrage était important du coup, si ça marchait au moins un temps, on pourrait peut être enfin l'opérer. Mr Machin était par ailleurs ancien toxicomane à l'héroïne, à la cocaïne, au cannabis, à beaucoup de choses en fait. Avec les toxicos, je me méfie toujours des "Je vous assure doc, c'est la dernière fois" on est souvent très déçu. Mais là je me suis investi dans la mise en place de cette opération de la hanche, ai rédigé de beaux courriers au médecin traitant, au chirurgien, ai passé quelques coups de fil. Au début un peu sans trop y croire vu le passé du loustic, mais au fil des entretiens il me parlait de son fils, de son avenir, de la nécessité de retrouver un emploi. Je le trouvais crédible, et assez touchant. Il avait une acné impressionnante sur toute la face, je lui ai mis un peu de doxycycline 'pour voir' et tenter de diminuer l'inflammation. Pour le traitement de ses symptômes de sevrage, ça a été assez épique. J'ai du empiler les traitements les uns sur les autres, avec des doses de plus en plus élevées : il tremblait toujours des mains, battait la mesure avec sa jambe, et ne fermait toujours pas l'oeil de la nuit. Au bout d'un moment j'ai commencé a flairer le truc... J'insiste avec mes questions pendant un entretien et il finit par lâcher le morceau : Il n'est pas du tout sevré aux opiacés ni à la coke, il en consommait encore abondamment la veille de son arrivée chez nous. Ah ben voilà pourquoi mes traitements sont insuffisants ! Je prescris du lourd, et lui propose aussi un traitement de substitution par Subutex, qu'il refuse. "Je veux plus de cette merde, ça entretient la dépendance" Certes, mais ça permettrait aussi de dormir la nuit pour la 1ère fois depuis une semaine ! Bon on va faire sans alors. Les choses se passent de mieux en mieux, les jours s'enchaînent, puis Mr Machin me demande le 23 décembre de pouvoir rentrer dans sa famille pour voir son fils. Il n'est plus en couple avec la maman mais ils vivent sous le même toit (Je sais ça parait dingue, mais quand on a pas de sous... Je vous assure que c'est assez fréquent !) Je le vois le jour de son départ, il me remercie pour le traitement de son acné, effectivement, ça s'était bien amélioré. La suite, c'est la maman de Mr Machin qui me l'apprendra au téléphone ce lundi matin. L'ex compagne lui a joué un sale tour et a filé à l'anglaise en emportant le fiston. Mr Machin s'est retrouvé tout seul le soir de Noël, cerné par ses vieux démons. Il aurait pris tous ses médicaments en même temps (ceux que j'ai moi-même prescrits !) plus quelques trucs beaucoup moins légaux. On l'a retrouvé dans la nuit du 25 au 26, assis sur une chaise, la gueule encastrée sur un coin de table. Il était tout bleu (en médecine on dit cyanosé). C’était pas joli du tout alors la mère n'a même pas eu le droit de le revoir. Et me voilà maintenant à l'heure du service après vente : Je tente de consoler la maman au téléphone, je lui parle de son fils, et du fait que malgré la dureté du sevrage, il a tenu le coup (il pouvait arrêter à tout moment, et partir). Je lui parle de son petit fils, qui a perdu son père le jour de Noël, et sur qui, en sa qualité de grand mère, elle devra garder un oeil. Je raccroche. Je croise mon boss dans les couloirs "Alors, t'as ton premier mort ? Ça te fait quoi ? Tu connais l'histoire non ? On demande au sage : Qui a sauvé 100 vies ? Il répond, c'est le médecin. Et qui en a tué 100 autres ? Il répond, c'est encore le médecin !"

Ouais, si c'est censé me déculpabiliser, c'est raté. Mais j'accepte la punition. Celui là, c'est foiré, je ne l'ai pas protégé de lui-même. Un coup comme ça, au fond, c'est un super cadeau pour soigner la toute-puissance et l'ego du toubib en herbe que je suis. Ça rend très humble. Adieu Mr Machin, je penserai longtemps à vous...

samedi 20 décembre 2014

La Valse du Certificat

D'abord un petit cours. En psychiatrie, on a un énorme pouvoir : Celui de priver les gens de leur liberté. Vous êtes déclaré fou, vous rentrez dans la catégorie des gens qui 'ne peuvent de par leur état consentir aux soins'. Et on va donc vous hospitaliser contre votre gré, en soins contraints. Comme ce pouvoir est énorme, et digne d'un régime totalitaire, on l'a fractionné : Il faut plusieurs signatures, au moins 2 médecins différents, un tiers qui connait le patient, parfois le préfet ou son représentant, enfin voilà, il faut que plusieurs personnes soient d'accord. Et après, la situation est réévaluée au cours d'entretiens patient-médecin, à 24h, à 72h, etc...Et à chaque fois par des médecins différents, pour éviter que si vous avez une gueule qui ne revient pas à un des toubibs, il ne puisse vous garder enfermé ad vitam juste par sa seule volonté. Sur le papier comme ça c'est pas mal, mais parfois ça peut donner des drôles de trucs, comme cette semaine dans mon service...

Un jeune homme, 30 ans, la même gueule qu'un pote à moi, arrivé de nuit en urgence dans le service. Je le vois pour la 1ère fois, il est en isolement. L'infirmier me dit qu'hier soir "c'était coton" le patient était agité, Il a reçu 2 loxapac en injection (si si vous vous souvenez, la 'matraque' du psychiatre, un neuroleptique très sédatif). Entretien de 10 mn, il sourit, s'étire dans le lit. Il a l'air calme. Je lève l'isolement, je le reverrai cet après-midi. Je relis le dossier, c'est assez confus, je retrouve un antécédent de bouffée délirante aigüe il y a 12 ans sur fond de cannabis, qui avait nécessité 12 jours d'hospitalisation, rien depuis. J'ai la femme, puis la maman au téléphone. Les troubles du comportement remontent au weekend dernier. Je finis par arracher à l'épouse qu'un 'vieux copain' du temps jadis est venu les voir avec ...un joint ! On rajoute une fièvre à 41° les jours suivants et on a un joli cocktail pour décompenser à nouveau. Puis entretien en bonne et due forme, au bureau, le patient a quitté son pyjama."Ah je vois que vous avez repris forme humaine" (parfois je dis de ces trucs...un jour je vais en faire décompenser un en live :). Ca se passe bien. J'inspecte un peu la personnalité, je cherche quelques repères biographiques marquants, je teste 2 ou 3 situations, je le speed un peu... 20mn, 25mn, Et PAN, il reprend une partie de ma phrase, mais en la coupant au milieu de mots (exemple : Vous avez bien dormi ? "Vébiendor ? je ne comprends pas docteur !"). Waw, ça je connais pas. Et puis doucement il commence à se marrer à des moments saugrenus. Je lui dis eh ben vous êtes de bonne humeur..."Non, pourquoi vous dites ça ?". Bon. Tout ça fait quand même assez tableau dissociatif, c'est discret, le type est intelligent, il contient le processus morbide, mais ça commence un peu à déborder et faudrait éviter que ça lui coule par les oreilles. Je vais voir le patron. Je raconte."Mmh, ça fait aussi un peu neurologique ça". La neurologie c'est le truc auquel il faut toujours penser, ça peut mimer la psychiatrie, mais c'est souvent beaucoup plus urgent (cancer, AVC, etc !). J'appelle un copain neurologue à la rescousse, qui me file la marche à suivre : Tests neuro, scanner du crâne. Tout est négatif. C'est bien de la psychiatrie. Je lance le traitement. Je choisis un antipsychotique de 2ème génération qui est très peu sédatif, fait très rarement prendre du poids, parce qu'à 30 ans, on tolère encore plus mal ces effets secondaires qu'à 60, et ça finit avec les boites de médocs à la poubelle.

Le lendemain, surpriiiiiise, les infirmières m'accueillent très embêtées. Je finis par comprendre que quelque chose ne va pas, et l'une d'elles crache le morceau : Un des toubibs du service, le Dr Truc, a fait un certificat de levée de l'hospitalisation sous contrainte de mon patient. Aïe. Moi je ne suis qu'interne, je ne peux pas encore faire ces certificats. Je lis le rapport, que je trouve un peu léger "simple conjugopathie ne nécessitant pas..." etc. Le Dr Truc n'a pas vu la même chose que moi. Les infirmières me confirment ce que je pensais déjà "Oh tu sais le Dr Truc, pendant ses entretiens il parle de lui. Et ça dure rarement plus de 10 minutes". C'est vrai que chez ce patient intelligent, c'est discret, il faut un entretien très long, et le speeder un peu pour voir que ça part en sucette. Nouvel entretien avec l'épouse, venue lui rendre visite, qui me dit qu'elle ne reconnait pas son mari, qui est cassant, lui lance des regards noirs, alors que d'habitude c'est une crème. Elle me confie aussi que le patient lui aurait dit 'je sais ce que je dois dire et ne pas dire pour sortir d'ici rapidement'. Aïe, je commence à le sentir évoluer sur un versant plutôt paranoïaque. Selon les dispositions légales, je remets au patient son certificat de levée de l'hospitalisation sous contrainte, tout en lui disant que je lui conseille fortement de rester chez nous encore quelques jours en hospitalisation libre... Et là, il prend le certificat, se marre, envoie une vacherie bien sentie à sa femme, et sort de la pièce, disant qu'il va chercher sa valise. L'épouse fond en larmes, "il faut que je protège mes enfants." Bon, coup de fil au boss dans l'autre pavillon."Demmerde toi, refais une hospit' sous contrainte en allant voir le Dr Bidule. Si jamais tu as un souci, je suis pas loin". Pfiu. Dr Bidule ? Il faudrait aller contre l'avis du Dr Truc, votre collègue de tous les jours depuis 25 ans, et remettre sous contrainte mon patient. Nan, ça va pas le faire du tout... Je réfléchis. Dr Bidule ? Le Dr Truc est absent cet après midi, il a vu hier mon patient qui n'allait pas si mal que ça, a fait un certificat de levée, et aujourd'hui mon patient va beaucoup moins bien. Pourriez vous le voir en entretien pour vous faire une idée ? Oui bien sûr. Entretien à 4, le Dr Bidule & moi, le patient & son épouse. 15mn, tout va bien. 20mn. 30 mn. Je vois le patient qui prend de plus en plus de temps à répondre aux questions, qui recule sur sa chaise, qui sourit de façon très étrange. Et finalement il se lève d'un bond. "Je t'aime, je veux divorcer, tu es une salope. Si tu m'aimes, dis mon nom et mon prénom. Dis les en entier. Tu vois tu peux pas. Tu m'aimes pas." On y est. La femme : "Mais qu'est ce que tu me dis, qu'est ce qu'il t'arrive ?" Il la toise du regard, la regarde s'effondrer en larmes. Je fais sortir l'épouse et m'excuse de lui avoir imposé ça mais c'était nécessaire pour voir son mari décompenser et le replacer sous contrainte. Je rentre dans la pièce à nouveau et interpelle le mari "Ça vous fait quoi de voir votre femme en pleurs ?". Il répond froidement "rien". Le Dr Bidule rédige un certificat de remise en hospitalisation sous contrainte. Je remets ce nouveau certificat au patient, en sachant que je suis grillé pour la prise en charge, j'ai perdu toute confiance de sa part : Je lui ai remis à 1 heure d'intervalle 1 certificat de levée, 1 autre de contrainte. Il me regarde haineusement. Je rattrape le coup avec la famille. "Vous savez, nous oscillons en psychiatrie entre liberté de l'individu et nécessité impérieuse de soins. La frontière est floue, les modalités souvent complexes. Votre mari/fils allait mal avant hier, bien hier, à nouveau mal aujourd'hui. Un médecin hier a pensé qu"il pouvait sortir, ce n'est finalement pas le cas aujourd'hui." 

Je rappelle le boss et je ne mâche pas mes mots "J'ai changé la prise en charge foireuse en simple incident pour la famille, mais je me suis grillé auprès du patient. Ça m'a pris toute l'aprem. Si c'est une fois par mois ça ira, si c'est une fois par semaine, l'attitude du Dr Truc va me poser problème." Je me dis aïe calme toi, t'es furax, mais t'es qu'interne. Heureusement pour moi le boss me lâche un "Tu comprends pourquoi je t'ai mis là-bas maintenant. Je suis toujours derrière en cas de problème." Ok, capito, pigé. Le boss m'a mis dans ce pavillon parce qu'il trouve que c'est le bronx, et il veut un interne frais qui fait les choses comme il faut. Je comprends pourquoi il m'avait invité la semaine dernière à la réunion de pôle, qui était un sacré règlement de comptes à OK Corral ! Il vient aussi de me dire qu'il me soutenait en cas de pépin. Moui, ça reste à voir le jour où ça va vraiment barder. Va falloir ménager la chèvre et le chou. Bienvenue à l'hôpital !

Delirium Tremens

"Demain je ne suis pas là de toute la journée. Celui-là tu me le surveilles, j'le sens pas." C'est mon boss qui me parle. Je consulte le dossier, bon, encore un alcoolique. Le boss a dit, je ferai : Je note ça sur ma 'liste de courses'. 

Le lendemain donc, c'est une grosse journée. Ma co-interne est en formation l'après-midi, on est vendredi, et c'est toujours là avant le weekend, que les pépins s'enchaînent, selon la bonne vieille loi de Murphy dite de 'l'emmerdement maximum'...Une balanite par ci (infection du gland), hop, acide fusidique en crème et on verra si ça passe lundi. Une constipation par là, zou, cocktail débouche tuyaux (je vous passe les noms). Et 15 minutes avant la quille et le début du weekend... SHIT, le patient du patron ! Infirmièèèèèère ! (Non en vrai je l'appelle par son prénom, et elle par le mien hein) Vous pouvez aller me chercher Mr Machin ? Oui, oui. Ah non en fait, il ne peut pas se lever. Comment ça ?? Je sens le plan foireux à plein nez, je bondis hors du bureau, et quelques tours de clé plus tard je suis au chevet du patient. Un monsieur barbu, la soixantaine, un petit ventre de père Noël, il est complètement tremblant, couché sur son lit, agité, les yeux hagards. Sa respiration est haletante, il sue. Je l'examine, je l'ausculte, je prends une tension. Il hurle de douleur, a mal à toutes les articulations, mais aussi à la poitrine, au cou, aux épaules et au bras droit. Je lui demande s'il sait où on est ? "Chez moi" Ben voyons. L'année ? "Mille neuf cent....mille neuf cent...." C'est celà, ouiiiii. Il a de la fièvre ? 38,5. Bon, Concentration. Désorientation spatio-temporelle, dysarthrie, fièvre, tremblements, agitation, signes dysautonomiques. Manque plus que le délire. Là le patient se redresse "Je suis pas pédé ! Docteur, dites leur, je suis pas ce genre de mec !!". Et donc délire confuso-onirique, sur un mode hallucinatoire. Eh ben on y est les gars, mon premier Delirium Tremens, complication gravissime du sevrage en alcool, 10 à 15% de mortalité AVEC le traitement ! Là ça se bouscule un peu dans ma tête, je prends 30 secondes pour mettre de l'ordre dedans. Valium 10mg/heure en IV, bon ici on va réduire un peu on est pas en réa, Tiapridal, allez il est plus tout jeune, 2 fois 200mg/jour en IV, paracétamol pour la fièvre, réhydratation per os 4-6 litres par jour, bilan en urgence pour voir s'il n'y a pas de troubles électrolytiques à corriger, et vérifier qu'on a pas une hépatite sous jacente. Bon et si jamais c'est pas ce diagnostic ? ECG pour éliminer un syndrome coronarien aigu, D-Dimères pour éliminer une embolie pulmonaire. Allez, gogogo on prescrit. Ah oui, surveillance des constantes toutes les heures (les infirmières m'adorent quand je fais ça ;). Coup de fil à l'interne de garde pour la prévenir de la situation, c'est elle qui lira le bilan sanguin que j'ai demandé et qui fera la réévaluation dans la nuit.

Il est 17h15, je suis sur mon VTT direction la gare pour chopper mon train. Je me refais le film de ma prise en charge. Arf, je n'ai pas prescrit l'isolement si nécessaire ! (ce sont des chambres spéciales pour malades agités où tout est fixé au sol). Tant pis, l'interne de garde le fera au besoin. J'entend déjà mon boss lundi matin "Ouais. Pas mal geré. Peut mieux faire".

samedi 13 décembre 2014

Ne pas se fier aux apparences

4ème garde. La dernière, c'était 6 admissions de suite, j'espère que celle ci sera plus tranquille. Je vais chercher la clé de la chambre de garde pour aller poser mes affaires.

Et ça loupe pas, 1er appel : Admission d'un type de 40 ans en provenance des urgences, d'accord, il vient pour quoi ? Sevrage aux opiacés. Aïe. Ça j'en ai pas encore fait des sevrages aux opiacés. En gros c'est l'héroïne. Et quand on s'arrête d'en prendre il parait que 24h plus tard on tuerait son père et sa mère pour en avoir un gramme tellement ça fait mal partout. Bon, je pose mes affaires, j'ouvre rapidos un bouquin, je relis le traitement.... Ok, y a des crampes musculaires, des douleurs abdominales, faut mettre du Spasfon. Sinon c'est sensiblement les mêmes médocs que pour le sevrage alcoolique. On peut monter jusqu'à un neuroleptique sédatif à faibles doses. Noté. 5 minutes plus tard, bonjour monsieur qu'est ce qui vous amène chez nous ? Je veux arrêter l'héroïne. J'ai une femme superbe et que j'aime, j'ai 3 enfants qui vont bien et que j'adore, j'ai un boulot, j'ai une maison. Tout va bien, y a que moi qui déconne. Tiens, c'est pas le profil habituel de l'usager de drogues (on dit comme ça en médecine. On a pleins de petits noms qui font scientifique et qui sont froidement descriptifs, pour éviter les jugements de valeur. Exemple, l'alcoolo c'est OH+, ou s'il est fin murgé on dit qu'il vient pour exogénose, et les toxicos sont des usagers de drogue. C'est comme vous et moi, usagers de transports en commun, sauf que là eux, c'est de drogue :). Bon. On discute. Y a souvent une très grosse culpabilité chez ces patients. C'est pas agréable pour eux de raconter leur dépendance, leur descente aux enfers. Mais il me faut quelques réponses pour adapter le traitement de sevrage à son cas particulier. Après je me demande pourquoi il bouffe de l'héroïne celui là, alors qu'il a l'air d'avoir une belle capacité au bonheur. Pas le temps de creuser beaucoup, je suis en garde, je connais pas le bonhomme. C'est déjà sacrément intrusif ce que je lui ai demandé. Ça se passe bien, il se détend, je lui explique que si malgré tout ce que j'ai mis il est encore pas bien, nerveux, algique... Il y a de la marge, il demande aux infirmières, j'ai prescrit un coussin de sécurité au cas où. L'entretien se termine. "Merci docteur, vous êtes un gars cool". Alors ça, je l'entend quand j'ai réussi à ne rien montrer du tout de mes sentiments de pitié, ou de colère, que je peux parfois ressentir quand on me raconte des histoires de drogués. Je suis content, c'est ma récompense, ça veut dire que j'ai bien bossé. Hop, bon courage monsieur, parce que ça va pas être une partie de plaisir...

Dring dring, ça sonne. Un patient s'est cassé la figure au pavillon des handicapés. J'y suis allé une fois là bas, c'est la cour des miracles, le vol au dessus d'un nid de coucou. Les patients ont des tronches de film d'horreur, les corps sont abîmés, recroquevillés sur des fauteuils roulants. Ils ne parlent pas, ils émettent des râles, parfois ils crient. Ce sont des patients très lourds, c'est un sacerdoce de bosser la dedans je trouve. J'arrive en plein milieu du repas du soir. Bavettes, nourriture en purée à la petite cuillère. Comme des mômes. Ah docteur, je vous montre. Aïe. Une énorme plaie de 2cm sur 3 juste sous l'oeil, au sommet de la pommette. Les chairs sont explosés. Je sais même pas si on peut recoudre, et si près de l'oeil...Mon dieu, il a l'oeil tout blanc, j'avais pas vu. Et l'autre aussi. Et les mains attachées. C'est pas possible, mais quelle existence il a ce pauvre type. Il est aveugle ? "Oui oui. Il est gentil d'habitude, mais là il s’est agité quand on lui a détaché une main et il s’est cogné au fauteuil ". Bon, ça dépasse mes compétences de suture ça. Hop, aux urgences. Je téléphone pour avoir l'ambulance, je rédige un courrier pour mes collègues qui vont le prendre en charge. Vaccin antitétanique à prévoir. Voilà, on attend l'ambulance. C'est pas trop dur de travailler ici ?" Non, on a choisi, C'est sûr c'est impressionnant au début, après on s'habitue. Et puis ils sont attachants." Eh ben... Moi je dis que ce sont celles là qu'il faut payer 5000 euros le mois ! L'ambulance est là, je sors avec le patient et les ambulanciers quand le téléphone sonne à nouveau...

"Allo, on a un problème avec un patient rebelle en UMD, vous pouvez venir ?" J'arrive. UMD = Unité de Malades Difficiles. Conditions de sécurité maximum pour des patients qui sont soit incarcérés pour une peine de prison, soit déclarés irresponsables suite à des crimes et délits, soit tout simplement ingérables en service de soins psychiatriques conventionnels. Je sonne. 1er sas. Loge du gardien. Bonjour, je vais au bâtiment machin. 2ème sas. Grille électrique de 5 mètres de haut. Poste de sécurité. 3 types plus grands que moi (je fais 1m87 quand même hein...) m'escortent. Arrivée au bâtiment. sonnette. 3ème sas. 4ème sas. Arf, on y est. Ambiance virile : 3 infirmiers barbus, genre rugbyman à qui on aurait enfilé une blouse blanche, les 3 costauds de la sécurité, et moi. On va voir le patient. "Vous voulez voir le dossier Doc ?" Nan, j'aime bien me faire une idée avant d'avoir lu toutes les horreurs que le type a faites, sinon je suis plus neutre du tout, et parfois même agressif. Un black, la vingtaine, en marcel blanc, des biscoteaux comme mes cuisses, et une gueule d'amour à tourner dans une série américaine, sourire aux lèvres et dents d'un blanc éclatant. Celui là, il a la fille qu'il veut quand il veut. Alors Mr Biiiiiiiiip (anonymat hein), il se passe quoi ? Là, c'est confus, une histoire à dormir debout, le gardien lui aurait manqué de respect, et patati et patata. Ouais. Mais vous êtes un grand garçon hein, vous n'allez pas jouer les victimes ? "Docteur, j'ai été violé et battu quand j'étais petit, depuis je supporte pas qu'on me touche, ou qu'on me manque de respect". Tous les infirmiers se marrent. Ah bon. Je fais mon petit discours moralisateur. Vous êtes un grand garçon maintenant, et vous allez faire des efforts pour que ça se passe bien. Comme moi aussi je suis un grand garçon, je ne vous prescris pas la piquouse de Loxapac (vous savez, la massue du psychiatre là) et vous vous calmez tout seul. Et ne me faites pas revenir. Ok doc, merci doc, j'le ferai plus doc. Les infirmiers s'excusent de m'avoir dérangé pour si peu, mais ils 'ont des consignes', quand ça barde, faut qu'un toubib passe voir le patient. Pas de souci. Ah, et laissez moi le bureau 2 minutes, maintenant je veux bien lire le dossier. Violeur multirécidiviste, 3 condamnations. Il les cognait en plus.

Il est 20 heures, je vais manger, des tomates farcies dans un tup, réchauffées au micro-ondes. Je reviens à ma chambre de garde, et là, plus aucun appel de la soirée et de la nuit. C'est la grande loterie en garde, parfois on finit la nuit en rampant, parfois on est payés à rien foutre.

samedi 6 décembre 2014

L'Expertise

"Qu'est ce que tu glandes à 14 heures ?" C'est la voix de mon chef de pôle que j'entend derrière moi. A coup sûr il me propose un truc cool, mais je ne peux pas répondre 'Ben rien du tout' parce que je suis censé bosser pour lui à cette heure là ! "Euh, j'ai prévu de passer au pavillon truc pour des entretiens, mais je peux décaler !" Ben alors viens à mon bureau, je fais une expertise si ça t'intéresse...!

Alors c'est quoi une expertise ? Ça a à voir avec le judiciaire. C'est un juge, qui instruit une affaire, et qui un moment donné se pose une question d'ordre psychiatrique. Comme lui, c'est pas sa spécialité, il va poser sa question au psychiatre, qui va devoir lui répondre. Cet après midi c’était le cas d'une jeune fille de 22 ans qui avait déposé plainte contre un homme, un ami de la famille, pour attouchements. Et la question que se posait le juge c'est : Y a t'il des troubles chez la victime présumée qui pourraient avoir été causés par un traumatisme d'ordre sexuel, et plus généralement, le juge veut aussi un examen de la personnalité de cette présumée victime. Je la fais simple : Est ce que cette fille est complètement mytho, ou est ce qu'on peut raisonnablement prendre en considération ce qu'elle dit. Waw. Quel pouvoir. C'est presque trop ! Je dis à mon boss qu'il faut être le top du top de détecteur de mensonges pour affirmer que telle personne ment, et telle autre dit la vérité. Il me reprend. "Alors là je t'arrête tout de suite, c'est pas du tout la question posée. Depuis l'affaire d'Outreau, les juges ne demandent plus à un psy de juger directement de la crédibilité d'une victime. Ça va se passer tout autour. Est ce qu'il y a des éléments chez la victime présumée qui sont compatibles avec un traumatisme. Est ce que la personnalité de la victime présente un trouble qui pourrait être associé à une tendance aux affabulations. Etc...". D'accord, ça c’est quand même nettement plus facile de répondre à ces questions. Et c’est sacrément intéressant !
C'est parti, l'entretien débute. Une jeune fille, un peu garçon manqué, en jogging. Elle parle de sa vie, de son enfance, de ses passions, du quotidien. Mon boss la met à l'aise. Quelques vannes pourries sur les rapports homme-femme (il adore ça, et je vois pourquoi il le fait alors que c'est justement le sujet brûlant : pour dédramatiser). Et tout d'un coup sans prévenir, à partir d'une question anodine, la présumée victime parle parle parle, saute du coq à l'âne et PAF, on l'arrête plus, elle nous raconte le truc alors qu'on lui a rien demandé. Elle pleure, elle se mouche, elle renifle, elle hoquette. Elle est tellement mal, tellement traumatisée, que je commence à sentir les larmes qui me montent. Je vais pas me mettre à chialer quand même, c’est pas très professionnel ! En fait quand je suis en situation d'entretien, ça va, je gère toujours, même les pires trucs. Là en situation de témoin passif, c’est autre chose, je suis complètement absorbé par son discours, par son désespoir. Je me reprends. Ouf, ça passe. 
Le boss prend son temps. Il explore, farfouille, pointe du doigt, soulève les coins de tapis. Mais toujours avec une pointe d'humour dès qu'on progresse en zone dangereuse. C'est sympa les vieux qui travaillent devant les jeunes, on a quand même rien trouvé de mieux pour transmettre le savoir. J'apprécie le moment à sa juste valeur. Au final c’est une histoire un peu banale, ce qui ne retire rien à sa gravité. L'ami de la famille est allé papouiller la fille de son pote dans le garage pendant qu'il avait le dos tourné. Elle avait 15 ans. Vu sans doute que c'en est resté au stade des attouchements, le traumatisme a eu une portée limitée sur le développement de la jeune fille, qui arrive à avoir des petits copains et des rapports sexuels satisfaisants. Mais il reste de ça une perte de confiance majeure envers les hommes, qui peuvent à tout moment laisser paraître l'immonde porc qui sommeille en eux. Je résume hein, mais en gros c'est ça.

Une bonne heure plus tard, c’est terminé. Nous échangeons nos impressions. Pas de trouble de la personnalité. Crédible. Y a un impact sur son développement, y a un préjudice. Voilà. Reste plus qu'à mettre tout ça dans un jargon psychiatrico-judiciaire, à être bien exhaustif pour que ça fasse à la fois sérieux et que ça prenne 4 pages. Comme je suis aussi un mec très terre à terre, je calcule. 1 heure d'entretien, 1 heure pour taper, relire, corriger. "Et combien c’est payé ?" Le boss marque un temps d'arrêt, puis se marre. Bah quoi, c'est super intéressant, mais j'aime bien avoir tous les éléments moi ! "C'est payé 290 euros". 150 de l'heure, ok c'est à peu près comme les consultations. Donc si on veut faire des expertises, on ne gagne pas plus, mais on ne perd pas d'argent. Je sens que je vais vouloir faire des expertises, varier, c'est ne pas se faire ch...!

Dieu et les autres...

3ème garde. Cette fois ci ma bonne étoile a estimé que j'étais chaud-bouillant, prêt à gérer le tout venant, et du coup elle m'a envoyé 6 admissions dans 4 pavillons différents. Le tout en une heure, le téléphone n'arrêtait pas de sonner. Evidemment ça aurait été trop facile comme ça donc il a fallu sandwicher avec d'autres coups de fil pour des pépins dans les services, maux de tête, maux de ventre, vomissements et autres diarrhées. 
Au menu tout d'abord :

Les dépressifs. Une dame la quarantaine, clouée dans un fauteuil depuis un accident du travail il y a 6 ans, une chute gravissime. "Aujourd'hui, j'ai voulu me tuer, j'avais le couteau dans la main, et j'ai pensé à ma fille. Elle a 16 ans et elle fait comme sa mère, elle se scarifie et il y a une semaine elle a tenté de se suicider." Je vous passe la suite de l'entretien : C'est du Zola. Bon, vous allez faire une pause ici, vous allez vous retaper, et puis on va mettre en place un suivi psychologique pour votre fille parce que là c'est impossible de vous en occuper dans votre état. Elle me regarde complètement indifférente, comme sonnée. J'appuie là ou il faut : "Vous dites que vous n'êtes pas une bonne mère, mais aujourd'hui, vous pouviez être très égoïste, et vous en aller en la laissant là, toute seule. Vous avez choisi de ne pas le faire. Vous avez choisi de rester pour elle. Ça c'est une bonne mère, même si pour le moment votre situation personnelle ne vous permet pas de l'aider plus". Hop, hop, hop, changement de pavillon, viiiiite, y en a encore 5 à voir ! Un ex taulard tatoué des mains jusqu'aux épaules, puant la bière, envoyé des urgences sans même un bilan sanguin. Bon, il a l'air bien là mais qui sait ce qu'il a pris avant. Il va peut être piquer du nez dans la nuit et on le retrouvera tout raide et tout blanc demain matin. Prise de sang, recherche de toxiques, mise à l'isolement tant qu'il est encore amoureux des infirmières et avant qu'il ne décuve et ne devienne agressif...

Les délirants. Ce monsieur me salue comme un ministre, tout sourire. Il annonce à qui veut l'entendre la venue prochaine de notre Seigneur. Vous n'avez pas vu les signes ? Les inondations, la guerre en Syrie, la sonde sur la météorite, etc. Même le curé de la paroisse l'a trouvé un peu zinzin, c'est dire. Ouais. Examinons un peu la dangerosité. Et si on vous empêche ? Et si Dieu vous commande de faire autre chose ? Et si le Diable apparaît ? Vous avez peur du Diable ? Non, non, non. "Vous voyez, je ne suis pas méchant". Ah ben je suis arrivé à la même conclusion. Calme, bienheureux presque, pas bien méchant le prophète. Seul hic, les comprimés antipsychotiques. "Ah non ! Je ne les prendrai plus parce qu'ils m'empêchent d'entendre Dieu". Eh ben voilà au moins un traitement dont on sait qu'il fonctionne ! On va passer tout ça en gouttes et lui proposer une bonne tisane. Je sais c'est un peu vicieux (parfois c'est le Diable qui m'inspire) mais pensez à sa femme, ses frères, ses enfants, ses petits enfants, tout ce monde qui le trouvait vachement mieux avant et qui est très inquiet. Après lui je vois un ancien chef d'entreprise, la cinquantaine, cheveux hirsutes, qui me raconte une obscure histoire de titre de noblesse qu'on lui aurait volé (je dois m'adresser à lui en lui disant 'Monsieur le Comte'... Sans vouloir vous commander doc' hein). Un château, un vol de chevaux dans sa propriété, une guerre avec le Duc d'à côté. Ouais ouais ouais. Monsieur, vous savez en quelle année nous sommes ? Eueuh, en 2014 ! C'est ça, et vous croyez qu'en 2014, on est au temps des chevaliers, des châteaux forts, des guerres à cheval ? Eueuh, non. Mais c’était dans une autre vie docteur !! Ah, voilà je comprends mieux ! Zou, Loxapac pour ce soir parce que Monsieur le Comte est bien parti pour mettre le service à feu et à sang avec son épée, et on va augmenter le Risperdal gentiment sur le weekend. Visiblement, la dose initiale ne suffisait pas.

Les angoissés. Un type la soixantaine ramené par sa femme en voiture qui l'a largué devant le pavillon sans passer par les urgences, sans coup de fil préalable.  Elle aurait juste lâché un "J'en peux plus, je vais le tuer", puis est repartie, son colis livré. Bonjour monsieur, qu'est ce qui vous amène chez nous ? Il noue un mouchoir sans relâche avec ses mains, a les sourcils tombants de Droopy et de temps en temps respire bruyamment, soupire, s'interrompt. Il est angoissé, horriblement angoissé. Il ne sait pas pourquoi. Mais alors quelle forme ça prend cette angoisse... Il prend la voiture ? Il se dit qu'il va se planter dans un arbre. Il veut faire des courses ? Il se dit que des factures imprévues vont arriver et qu'il n'aura plus assez d'argent pour les payer. Il veut inviter des amis à dîner ? Il se dit qu'ils vont s'étouffer avec la nourriture et repartir les pieds devant. Docteur, mais qu'est ce qui m'arrive, je ne peux plus rien faire !! Je précise un peu le mécanisme. D'accord, ce sont des idées de ruine, de mort, qui s'imposent à lui et tournent dans sa tête. Ça ressemble à un trouble anxieux généralisé mais avec une composante compulsive très marquée. Je l'interroge sur sa vie. 3 infarctus en 5 ans. Sa femme a 2 cancers. Leur fille unique a été opérée par cœlioscopie d'un truc banal mais ils ont touché la rate, saignement massif, 4 opérations depuis pour rectifier le tir mais ça va à chaque fois un peu plus mal. Là on comprend mieux. Je prends la parole. Monsieur, vous êtes dans cet état parce que la vie ne vous a pas épargné, vous avez vécu des événements très difficiles, nombreux, dans une période très rapprochée. Là, vous attendez le prochain coup, sans savoir quand et d'où il va venir. C'est votre corps et votre esprit qui se défendent, qui sont en alerte, qui font comme la tortue qui rentre sa tête pour anticiper ce qui pourrait bien arriver à nouveau. Vous aviez déjà tendance à être anxieux étant jeune, et là ça a empiré, c'est devenu une vraie maladie qu'il faut soigner. "Ah d'accord." Son visage s'apaise un peu. C'est dingue l'effet thérapeutique que ça peut avoir quand les gens comprennent pourquoi ils sont dans cet état, et quand ils peuvent nommer leur maladie. Bon là c'est quand même pourri de chez pourri, le pauvre type est tellement stressé qu'il a des diarrhées motrices depuis des jours, il n'a pas dormi depuis 72 heures. Il a déjà des benzos et un antidépresseur, je les laisse. On va taper fort pour qu'il passe un weekend un peu plus tranquille. Zou, Tercian. Un neuroleptique qui devrait agir sur le côté compulsif des idées noires, et qui aux faibles doses où je le prescris ici, est anxiolytique. Je le préviens : Monsieur, je mets des médicaments assez forts parce qu'il faut casser un peu ce cycle infernal dans votre tête. Vous allez sans doute être un peu endormi ce weekend. "Oh qu'importe, pourvu que ça s' arrête". Il lâche son mouchoir, "Docteur, je crois que ça va déjà un peu mieux". Tant mieux, et maintenant reposez-vous, et buvez beaucoup ! (les diarrhées...).

Depuis la dernière garde, je note les noms de tous ces patients dont je fais les admissions. Pour la plupart, je ne les revois pas, ils sont admis dans d'autres services que celui où je travaille la journée. Cela me permet de pouvoir ensuite suivre leur dossier sur le serveur informatique et voir ce qu'ils sont devenus quelques jours plus tard. Comme ça je sais si mes idées de diagnostic ont été infirmées ou confirmées, et si mes traitements ont été modifiés ou reconduits par les psychiatres du service, bien plus expérimentés que moi. Parfois j'avais vu juste, parfois j'ai des surprises. Mais en tout cas, c'est toujours très instructif !