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"Ca y est, c'est choisi : Ce sera Psychiatrie !"
Je commence ce blog pour raconter mes aventures hospitalières
pendant les quatre années de ce parcours d'interne
jusqu'au diplôme de médecin psychiatre...
























samedi 20 décembre 2014

Delirium Tremens

"Demain je ne suis pas là de toute la journée. Celui-là tu me le surveilles, j'le sens pas." C'est mon boss qui me parle. Je consulte le dossier, bon, encore un alcoolique. Le boss a dit, je ferai : Je note ça sur ma 'liste de courses'. 

Le lendemain donc, c'est une grosse journée. Ma co-interne est en formation l'après-midi, on est vendredi, et c'est toujours là avant le weekend, que les pépins s'enchaînent, selon la bonne vieille loi de Murphy dite de 'l'emmerdement maximum'...Une balanite par ci (infection du gland), hop, acide fusidique en crème et on verra si ça passe lundi. Une constipation par là, zou, cocktail débouche tuyaux (je vous passe les noms). Et 15 minutes avant la quille et le début du weekend... SHIT, le patient du patron ! Infirmièèèèèère ! (Non en vrai je l'appelle par son prénom, et elle par le mien hein) Vous pouvez aller me chercher Mr Machin ? Oui, oui. Ah non en fait, il ne peut pas se lever. Comment ça ?? Je sens le plan foireux à plein nez, je bondis hors du bureau, et quelques tours de clé plus tard je suis au chevet du patient. Un monsieur barbu, la soixantaine, un petit ventre de père Noël, il est complètement tremblant, couché sur son lit, agité, les yeux hagards. Sa respiration est haletante, il sue. Je l'examine, je l'ausculte, je prends une tension. Il hurle de douleur, a mal à toutes les articulations, mais aussi à la poitrine, au cou, aux épaules et au bras droit. Je lui demande s'il sait où on est ? "Chez moi" Ben voyons. L'année ? "Mille neuf cent....mille neuf cent...." C'est celà, ouiiiii. Il a de la fièvre ? 38,5. Bon, Concentration. Désorientation spatio-temporelle, dysarthrie, fièvre, tremblements, agitation, signes dysautonomiques. Manque plus que le délire. Là le patient se redresse "Je suis pas pédé ! Docteur, dites leur, je suis pas ce genre de mec !!". Et donc délire confuso-onirique, sur un mode hallucinatoire. Eh ben on y est les gars, mon premier Delirium Tremens, complication gravissime du sevrage en alcool, 10 à 15% de mortalité AVEC le traitement ! Là ça se bouscule un peu dans ma tête, je prends 30 secondes pour mettre de l'ordre dedans. Valium 10mg/heure en IV, bon ici on va réduire un peu on est pas en réa, Tiapridal, allez il est plus tout jeune, 2 fois 200mg/jour en IV, paracétamol pour la fièvre, réhydratation per os 4-6 litres par jour, bilan en urgence pour voir s'il n'y a pas de troubles électrolytiques à corriger, et vérifier qu'on a pas une hépatite sous jacente. Bon et si jamais c'est pas ce diagnostic ? ECG pour éliminer un syndrome coronarien aigu, D-Dimères pour éliminer une embolie pulmonaire. Allez, gogogo on prescrit. Ah oui, surveillance des constantes toutes les heures (les infirmières m'adorent quand je fais ça ;). Coup de fil à l'interne de garde pour la prévenir de la situation, c'est elle qui lira le bilan sanguin que j'ai demandé et qui fera la réévaluation dans la nuit.

Il est 17h15, je suis sur mon VTT direction la gare pour chopper mon train. Je me refais le film de ma prise en charge. Arf, je n'ai pas prescrit l'isolement si nécessaire ! (ce sont des chambres spéciales pour malades agités où tout est fixé au sol). Tant pis, l'interne de garde le fera au besoin. J'entend déjà mon boss lundi matin "Ouais. Pas mal geré. Peut mieux faire".

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